SYNDICALISME ET INNOVATION SOCIALE

di Riccardo Terzi – Segretario generale CGIL Lombardia

Au cours des années 80, la CGIL-Lombardie a dû faire face aussi bien à un vaste processus de restructuration industrielle, qui a entrainé une réduction remarquable des emplois dans tous les secteurs, qu’à une véritable offensive politique visant à entamer le pouvoir contractuel du syndicat et les droits des travailleurs. 

Des années caractérisées par un engagement profond et difficile, des années qui ont mise à rude épreuve la cohésion de notre organisation syndicale et son rapport de confiance avec les travailleurs. Dans ce processus, il faut faire une distinction entre les exigences objectives de la restructuration économique et les stratégies politiques du patronat.

Nous ne pouvons pas nier qu’il existe une réelle exigence d’innovation des systèmes de production et de l’organisation du travail. Les politiques qui s’opposent à cet inévitable processus d’innovation ne peuvent que s’avérer inefficaces et vouées à l’échec. Le syndicat n’a donc pas refusé de descendre sur ce nouveau champ de baes années caractérisées par un engagement profond et difficile, des années qui ont mis à rude épreuve la cohésion de notre organisation syndicale et son taille, même quand il s’agissait d’engager des négociations difficiles sur la réduction des emplois, la mobilité du travail, la reconversion professionnelle, l’introduction de nouveaux modèles d’organisation.

Les résultats de l’action contractuelle sont très diversifiés : ils reflètent la diversité des situations existantes au niveau des rapports de forces et de la capacité du syndicat de définir une politique revendicative autonome et crédible.

 

«Notre syndicat ne se borne pas à dénoncer ce qui n’allait pas»

Nous sommes encore en train de nourrir au sein de la CGIL un débat critique sur ces expériences. Voilà l’un des points qui ont fait l’objet de notre congrès.

Dans certaines branches du syndicat, c’est la tendance «défaitiste» qui s’est affirmée, comme si nous avions accepté de nous soumettre aux exigences des entreprises et à la culture des entrepreneurs. Ce jugement a entrainé le refus radical de tout critère de comptabilité économique et le développement d’un point de vue tout à fait divergent et antagoniste. Il s’agit, d’après moi, d’une position erronée qui ne ferait que conduire le syndicat à un affrontement direct duquel il n’aurait aucune possibilité objective de sortir victorieux.

Si le bilan de cette décennie n’est pas complètement négatif et si la force du mouvement syndical n’a pas été entamée, c’est grâce à la politique que nous avons adoptée. Notre syndicat ne s’est pas borné à dénoncer ce qui n’allait pas; il a essayé de faire face à la réalité et de jouer son rôle de négociateur dans toutes les circonstances, même les plus difficiles.

Au-delà des difficultés objectives pour amorcer un processus de restructuration qui mette en cause les équilibres du passé, le patronat a promu une manouvre politique visant à réduire le pouvoir contractuel des organisations syndicales et aspirant à créer un système où chaque travailleur n’est lié que par des rapports personnels à sa propre entreprise. Les conflits se sont ainsi aggravés. Les dernières négociations pour le renouvellement des contrats, notamment dans le secteur métallurgique, ont été particulièrement difficiles, et à présent nous sommes encore en conflit avec l’association nationale du patronat (Confindustria) sur le problème de l’«échelle mobile».

 

Favoriser la décentralisation des négociations

En effet, l’aile la plus extrémiste du patronat voudrait tout simplement l’abolir en supprimant ainsi un instrument fiable de protection du niveau des salaires vis-à-vis de l’effet d’érosion de l’inflation.

Mais cette offensive n’a produit aucun effet. Les patrons eux-mêmes deviennent de plus en plus conscients du fait que l’avenir de leurs entreprises est étroitement lié au niveau de consensus et de participation des travailleurs, et que les politiques qui se basent exclusivement sur des mécanismes autoritaires et répressifs n’ont plus aucune raison d’être. Les entreprises modernes qui, pour s’imposer sur la scène internationale, doivent être compétitives au niveau de la qualité et de l’efficacité, ne peuvent plus marcher en ne s’appuyant que sur la discipline et la hiérarchie: il faut mettre en valeur le travail, le professionnalisme et accorder aux groupes de production et à chaque salarié une certaine autonomie.

Dans ce cadre, il serait néfaste pour les deux parties en cause de se limiter à instaurer un rapport conflictuel. L’exigence de fixer des règles nouvelles dans les relations syndicales et de trouver des instruments plus incisifs de coopération et de consultation est désormais à l’ordre du jour.

Nous visons à créer un véritable système de cogestion, à savoir de participation effective des travailleurs et du syndicat à la gestion de l’entreprise, ce qui implique l’exigence d’échanger au préalable des points de vue différents et d’atteindre ensemble un accord sur les stratégies de l’entreprise et les nouveaux modèles d’organisation.

Si l’on considère la situation actuelle, cet objectif est loin d’être atteint. Il faut commencer par quelques essais, par exemple, en matière de formation professionnelle, d’environnement et d’introduction des technologies nouvelles.

Ne nous faisons pas d’illusions: il est évident que tout cela ne peut être que le fruit d’une action de lutte menée par le mouvement syndical. Il s’agit toutefois de voir quel est à présent le terrain de lutte qui correspond le mieux à la réalité et qui peut produire les meilleurs résultats.

Une plate-forme syndicale qui prend en considération les exigences de l’entreprise, son besoin contraignant d’être toujours compétitive et performante, représente une base d’action plus forte et plus efficace qui nous permet de trouver des interlocuteurs même au sein des groupes dirigeants des entreprises. Étant donné que ces contraintes existent, même si on les ignore, on court le risque de les subir passivement sans avoir eu la possibilité d’élaborer un programme autonome de revendications.

Il s’agit de comprendre les demandes et les exigences qui sont en train de s’imposer dans le monde du travail; des demandes et des exigences tout à fait nouvelles du point de vue qualitatif, qui ne se réfèrent pas uniquement aux salaires, mais aussi à la qualité du travail, de l’affirmation professionnelle, de l’autonomie, de la possibilité d’accéder aux connaissances et aux décisions.

Il en résulte une nouvelle hiérarchie des politiques revendicatives du syndicat, dont quelques thèmes sont désormais devenus essentiels et stratégiques: la formation, le professionnalisme, l’ambiance de travail, le système des horaires, l’organisation du travail.

En résumé, le processus d’innovation et de modernisation actuellement en cours ne fait qu’amener l’initiative du syndicat sur un terrain nouveau, et l’action syndicale sera d’autant plus efficace qu’elle saura affronter ce type de problèmes.

C’est pour cette raison qu’à notre avis il est nécessaire de revoir le système contractuel en favorisant la décentralisation des négociations, aussi bien au niveau des entreprises que des territoires. En effet, ce n’est qu’ainsi qu’il est possible de s’adapter aux changements actuellement en cours et d’intervenir directement dans les processus influençant le monde du travail. Les négociations centralisées répondent de moins en moins aux nouvelles exigences d’articulation et de flexibilité. En outre, elles réduisent les possibilités de participation démocratique des travailleurs, favorisant ainsi le processus de bureaucratisation du syndicat.

Notre expérience en Lombardie s’est enrichie d’un certain nombre d’épisodes de négociations décentralisées sur les lieux de travail, dans les secteurs industriel et tertiaire.

Il est nécessaire d’établir un niveau de négociation territoriale pour le secteur de l’artisanat et des petites entreprises, étant donné que ces dernières ont connu un développement de la production qui a intéressé le système industriel dans son ensemble. C’est justement dans le secteur de l’artisanat que la tutelle syndicale est particulièrement faible et que les droits des travailleurs sont souvent violés de façon inadmissible. Voilà pourquoi la CGIL considère que c’est là qu’il faut s’engager pour imposer la présence organisée du syndicat. Quelques-uns des accords les plus importants atteints avec les organisations patronales de l’artisanat s’inscrivent dans ce cadre et définissent les grandes lignes des droits syndicaux de ces travailleurs.

S’il est vrai que le niveau de négociation atteint par notre syndicat dans une région aussi développée industriellement que la Lombardie est satisfaisant, il ne faut pas oublier les limites de notre action ni l’exigence d’intervenir de façon plus globale sur les lignes directrices de la politique économique et sûr le fonctionnement du «système» social dans son ensemble.

 

Le syndicat doit affirmer des principes de solidarité sociale

C’est en effet au niveau du «système» que les retards et les contradictions les plus éclatantes s’accumulent et mettent en relief les faiblesses de la structure économique lombarde par rapport aux autres régions européennes. Il y a ensuite l’inefficacité de l’administration publique, les retards en matière de formation et de recherche scientifique, les problèmes dramatiques de l’environnement. Sans parler des grandes contradictions sociales qui ont créé de nouvelles poches de pauvreté et de marginalisation. Tous ces problèmes sont en train d’assumer un caractère de plus en plus explosif à la suite des flux migratoires du Sud et des pays de l’Europe de l’Est. Nous estimons que le syndicat doit intervenir sur tous ces problèmes en collaboration avec les institutions politiques régionales, les partis et les associations; il doit s’opposer à l’excessive fragmentation corporative des intérêts pour affirmer des principes de solidarité sociale. C’est dans ce cadre, à savoir dans une société si complexe, caractérisée par des intérêts si divers et de fortes tendances corporatives, qu’il est le plus difficile et le plus important d’instaurer un rapport démocratique entre le syndicat et les travailleurs. A maintes occasions, ce rapport s’est détérioré en engendrant de la méfiance, en provoquant des contestations et l’abandon des objectifs syndicaux. Pour surmonter ces difficultés, il est nécessaire de fixer, le plus tôt possible, des règles claires pour créer un nouveau système de représentation démocratique sur le lieu de travail, basé sur des critères démocratiques tout à fait transparents. C’est dans cet esprit que la CIL, la CILS et l’UL ont tout récemment signé un accord pour la création de représentations syndicales unitaires, dont l’application ne doit pas se faire attendre. Cet accord va permettre aux travailleurs d’élire sur le tas les représentants syndicaux en votant sur des listes différentes et en suivant des critères de proportionnalité qui reflètent les préférences réelles des salariés. S’il y a des organisations autres que confédérales, elles pourront aussi être représentées.

Ces nouveaux organismes de représentation seront responsables tous la négociation de tous les problèmes concernant l’entreprise.

 

Il est nécessaire d’aborder la question de l’unité syndicale

En même temps, il nous paraît qu’il est aujourd’hui nécessaire et possible d’aborder de fond la question de l’unité du mouvement syndical. Les fossés historiques entre la CGIL, la CISL et l’UIL ont désormais été comblés, et maintenant, face aux nouveaux problèmes et aux risques de division et de fragmentation de l’action corporative, on ressent le besoin d’affirmer un nouveau principe de cohésion et de solidarité du mouvement des travailleurs. Voilà pourquoi la création d’un syndicat unitaire, démocratique et pluraliste représenterait un acte politique extrêmement important.

L’unité est la condition nécessaire pour affronter, avec plus de force, de cohérence et de solidarité, les problèmes complexes qui affligent ce monde de plus en plus interdépendant, qui demande des stratégies de caractère supranational. Le processus de constitution du syndicat européen qui est désormais en cours ne doit pas négliger la réalité syndicale multiforme de l’Europe de l’Est. Le mouvement syndical italien peut jouer un rôle positif sur cette scène élargie, s’il se débarrasse de ses anciennes divisions et se présente comme un organisme uni et autonome. Unité et autonomie sont depuis toujours deux éléments en étroite corrélation. Si c’est la logique politique qui prévaut, le mouvement syndical finira par reproduire en son sein les divisions des partis en perdant ainsi l’autonomie dont il a besoin pour remplir jusqu’au bout, de façon cohérente, sa fonction de représentant social. Unité et autonomie sont donc les points fondamentaux de notre stratégie.

C’est ainsi que nous voulons rénover la CGIL et éviter toute forme de «connivence» avec les partis politiques. Nous voulons que la CGIL s’engage activement dans la réalisation d’un nouveau projet unitaire.


Numero progressivo: B18
Busta: 2
Estremi cronologici: 1991, dicembre
Autore: Riccardo Terzi
Descrizione fisica: Pagine rivista
Tipo: Scritti
Serie: Scritti Sindacali - CGIL -
Pubblicazione: “[Options]”, dicembre 1991, pp. 65-67